samedi 13 décembre 2014

Du gaz hilarant pour traiter la dépression


Le gaz hilarant pourrait être utilisé comme médicament afin de traiter la dépression sévère de patients qui ne répondent pas à d'autres thérapies. C’est le résultat d’une étude pilote prometteuse portant sur 20 patients.

Les psychiatres Charles Conway (à gauche) et Charles Zorumski (au milieu) ont travaillé avec l’anesthésiste Peter Nagele (à droite) sur une étude pilote dans laquelle du gaz hilarant a été prescrit à des patients dépressifs. © Robert BostonLes psychiatres Charles Conway (à gauche) et Charles Zorumski (au milieu) ont travaillé avec l’anesthésiste Peter Nagele (à droite) sur une étude pilote dans laquelle du gaz hilarant a été prescrit à des patients dépressifs. © Robert Boston
Environ un tiers des patients dépressifs ne répondent pas aux traitements existants, d’où la nécessité de développer des thérapies plus efficaces. Certains antagonistes des récepteurs NMDA comme la kétamine représentent une piste pour trouver des antidépresseurs qui agissent rapidement chez ces sujets. L’oxyde nitreux (ou protoxyde d’azote), aussi appelé « gaz hilarant », dont la formule chimique est N2O, est lui aussi un antagoniste de récepteur NMDA. Des chercheurs se sont demandé si cet anesthésiant pouvait être intéressant pour traiter ces dépressions résistant aux protocoles habituels.
Cette étude pilote a été menée à la Washington University School of Medicine à St-Louis. Vingt patients avec une dépression résistante ont participé. Pendant 1 h, ils ont dû inhaler soit un mélange de 50 % d’oxygène et 50 % d’oxyde nitreux (mix utilisé chez les dentistes), soit un mélange placebo de 50 % d’oxygène et 50 % d’azote (les deux principaux gaz de l'atmosphère). Lessymptômes des patients (tristesse, sentiment de culpabilité, pensées suicidaires, anxiété et insomnie) ont été évalués 2 h après le traitement, puis le lendemain. L’étude s’est faite en double aveugle. Les résultats paraissent en ligne dans la revue Biological Psychiatry.
Avec le gaz hilarant, quatre patients (20 %) ont répondu au traitement, trois (15%) étaient enrémission et aucun n'a eu d'aggravation de ses symptômes. En revanche, avec le placebo, un seul patient a répondu au traitement, aucun n’a été en rémission et un patient a eu des symptômes pires le lendemain. Les effets antidépresseurs du gaz hilarant se maintenaient 24 h et, chez certains patients, une semaine.
Le gaz hilarant (N2O) est utilisé comme anesthésiant depuis plus de 150 ans.
Le gaz hilarant (N2O) est utilisé comme anesthésiant depuis plus de 150 ans. Sur cette gravure du 19esiècle, un homme danse après avoir inhalé ce gaz. © Wellcome Library, London, Wellcome Images

Un effet antidépresseur rapide aux effets secondaires limités

Les effets secondaires du gaz hilarant sont limités, les plus courants étant des nausées et vomissements. Ici, il n’y a pas eu d’effets secondaires graves, tous ont été de courte durée et de sévérité légère à modérée. Les auteurs estiment que le rapport bénéfice/risque est acceptable.
Cette étude montre donc que l’oxyde nitreux a des effets rapides chez les patients puisque les symptômes dépressifs se sont améliorés significativement 2 h et 24 h après l’inhalation : «Lorsqu’ils ont reçu l’oxyde nitreux, de nombreux patients ont rapporté une amélioration rapide et significative » explique Charles Conway, auteur de cette étude. « La plupart des patients qui ont eu une amélioration ont dit qu’ils se sont senti mieux seulement 2 h après le traitement avec l’oxyde nitreux. »
L'effet est donc bien plus rapide que les traitements oraux habituellement prescrits. Avec des antidépresseurs classiques comme le Prozac et d’autres inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine (SSRI), les patients doivent généralement attendre des jours ou des semaines avant de savoir si leur traitement agit. Les effets des thérapies cognitives nécessitent souvent des semaines sinon des mois. Le gaz hilarant pourrait donc être particulièrement intéressant pour traiter rapidement des patients à risque suicidaire ou en attendant l’effet des thérapies conventionnelles.

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