Cassini sonde les mers de Titan
Au cours de son 104e survol de Titan, le plus gros satellite de Saturne, la sonde spatiale Cassini s’est employée à évaluer la profondeur d'une portion de la grande mer d’éthane et de méthane liquides qui en couvre les régions de l’extrême nord. Des îles mystérieuses ont à nouveau été observées.
Le 21/11/2014 à 17:40 - Par
Entre deux survols de Titan par Cassini, à trois mois d’intervalle, une île mystérieuse de nature encore indéterminée est apparue à la surface de Kraken Mare, la mer d’hydrocarbures la plus étendue de cette grande lune de Saturne. Les données ont été acquises par le SAR (Synthetic Aperture Radar) installé à bord de la sonde spatiale. Une formation similaire avait été observée pour la première fois à la surface de Ligeia Mare, en juillet 2013. © Nasa, JPL-Caltech, Asi, Cornell
Depuis son arrivée, il y a dix ans, dans le système de Saturne, Cassini nous a révélé des caractéristiques de la planète géante et de ses lunes, insoupçonnées jusque-là. Nous avons beaucoup appris de Titan (5.149 km de diamètre), deuxième plus grand satellite naturel du système solaire, à travers Huygens qui s’était posé à sa surface en janvier 2005 et bien sûr les quelque 106survols déjà accomplis par la sonde spatiale américano-européenne (Esa, Nasa).
Apparition d’îles magiques
À la surface de ce monde glacial — la température moyenne est de – 180 °C —, enrobé d’une épaisse atmosphère, certaines régions de l’hémisphère nord sont recouvertes de vastes nappes d’hydrocarbures. Kraken Mare est le nom de la plus grande de ces mers d’éthane et de méthane liquides. Des clichés datant du 21 août 2014, réalisés lors du 104e survol de l’orbiteur, ont révélé la présence de deux taches lumineuses, invisibles auparavant, et interprétées comme pouvant être«des vagues ou quelque chose de plus solide» ainsi que l’a exprimé Jason Soderblom, chercheur au MIT et membre de l’équipe scientifique de Cassini. Surnommées «îles magiques» (Magic island), ces formes furent remarquées pour la première fois dans la mer voisine de Ligeia Mare, en juillet 2013. Une nouvelle campagne d’observation est prévue pour janvier 2015. Quant aux images du 21 août, les chercheurs ont eu le loisir de les étudier avec le radar de Cassini et dans deux longueurs d’onde différentes à travers l’instrument Vims (Visible and Infrared Mapping Spectrometer). Selon eux, il s’agirait bien d’ondulations sur la surface liquide voire d’îlots de débris flottants.
Mesures altimétriques réalisées par le radar de Cassini au-dessus de l’estuaire d’un fleuve qui se jette dans la mer d’éthane et de méthane liquides, Kraken Mare. À l’emplacement des trois cercles bleus, la profondeur a été évaluée à respectivement 27, 33 et 30 mètres. © Nasa, JPL-Caltech, Asi, Cornell
Profondeur des mers de Titan
En balayant sur environ 200 km, d’un rivage à l’autre, un estuaire situé à l’est de Kraken Mare, à l’embouchure d’un fleuve en crue, le radar de la sonde spatiale a relevé une profondeur de 20 à 30 mètres sur une portion de 40 km (voir image ci-dessus). Ailleurs, au sein de cette vaste mer, l’absence d’écho radar traduirait une profondeur importante comme le suggèrent par ailleurs les pentes abruptes qui bordent cette étendue d’hydrocarbures. L’hypothèse alternative serait que le signal soit simplement absorbé par les énormes volumes d’éthane et de méthane liquides.
Toujours aux hautes latitudes nord de la plus grande lune de Saturne, une troisième et plus petite mer, Punga Mare, reste à être survolée afin d’en évaluer, à son tour, la profondeur. Les observations sont prévues pour janvier 2015. Cassini réalisera pour la dernière fois cette expérience, mais poursuivra néanmoins l’exploration des mondes de Saturne. Rappelons que la mission, dont les données ont déjà fait l’objet de plus de 3.000 publications scientifiques, est prolongée jusqu’en 2017.
L’étude ici résumée a été présentée lors du meeting des sciences planétaires de l’American Astronomical Society (AAS), à Tucson en Arizona.
L’étude ici résumée a été présentée lors du meeting des sciences planétaires de l’American Astronomical Society (AAS), à Tucson en Arizona.