La technique d’impression innovante développée par l’équipe du professeur Joseph Chang, à la Nanyang Technological University (NTU) de Singapour pourrait rendre possible la production de masse ou la fabrication à la demande de circuits électroniques complexes, flexibles et bon marché.
Le 22/11/2014 à 15:24 - Par
Le projet Printronics, labellisé par le pôle de compétitivité Minalogic en 2005, avait permis la réalisation d’un circuit électronique fonctionnel, entièrement imprimé sur un feuillet plastique souple, de format 100 x 100 mm. Une première mondiale. © Artechnique
Pour fabriquer les circuits intégrés standard, à base de silicium, on utilise les méthodes coûteuses, en temps et en argent, de la microélectronique (traitement thermique, dépôt, photolithographie, gravure et dopage). Grâce à l’électronique imprimée, il devient possible de créer des composants, actifs ou passifs, en mobilisant des techniques issues du monde de l’imprimerie (sérigraphie, gravure, lithographie, etc.). En appliquant des encres conductrices formulées à partir de matériauxsemi-conducteurs ou électroluminescents sur des substrats flexibles comme le papier, leplastique ou le textile.
Un procédé d’impression de circuits électroniques basé sur la technologie du jet d’encre avait été proposé il y a quelques mois par l’université de Tokyo, le Georgia Institute of Technology et Microsoft Research. Celui de l’équipe de la NTU s’appuie sur la sérigraphie, une technique utilisée notamment pour l’impression de T-shirts qui permet d’imprimer à grande vitesse. « Cela dépend bien sûr de la complexité du circuit mais en principe, deux heures suffisent à la création du masque et une heure à l’impression à proprement parler. C’est plus rapide que la technique par jet d’encre qui est limitée par son débit. Et c’est beaucoup plus rapide que les techniques classiques de production de circuits imprimés qui demandent un à deux mois pour être mises en œuvre », précise Joseph Chang à Futura Sciences. Sa technologie permet également d’imprimer des circuits complexes comprenant plus d’une dizaine de transistors et deux couches d’interconnexion. Cela ne semble pas être possible avec le jet d’encre. Le tout est en outre réalisé à des coûts particulièrement bas. « Là où les équipements classiques coûtent de quelques dizaines de millions à quelques milliards de dollars, le nôtre ne dépasse par les quelques milliers de dollars. Comme tous les matériaux que nous utilisons, nos semi-conducteurs sont disponibles dans le commerce et coûtent environ 0,4 dollar pour un format de feuille plastique A4 », détaille l’expert en électronique de la NTU School of Electrical and Electronic Engineering.
Les équipes de la NTU School of Electrical and Electronic Engineering de Singapour ont mis au point un procédé d’impression sérigraphique de circuits électroniques complexes. Lorsque l'on parle de l'impression de motifs sur T-shirts, la sérigraphie est une technique qui consiste à faire passer les encres à travers les fines mailles de masques à l'aide d'une racle pour être déposées sur le support. Il en va de même dans le cas de circuits électroniques qui sont donc créés par ajouts successifs de plusieurs couches de matériaux. © Nanyang Technological University
Les performances techniques attendues de l’électronique imprimée sont moindres qu'en électronique classique. Reste que son faible coût et sa flexibilité ouvrent la porte à de nouveaux usages. « Grâce au procédé que nous avons développé, nous pouvons imaginer la commercialisation deproduits plus intelligents. Une brique de lait pourra indiquer exactement quand le délai de consommation arrivera à expiration. Ou des patchs pourront surveiller les signaux vitaux comme le rythme cardiaque », déclare Joseph Chang.
Une technologie verte pour le secteur biomédical
Pour imprimer les circuits et leurs éléments clés que sont les résistances, les transistors ou encore les condensateurs, les chercheurs de la NTU assurent ne pas employer d’agents oxydants et n’utiliser que des matériaux organiques non toxiques comme des nanoparticules d’argent, ducarbone ou des plastiques. Ils ont ainsi déjà pu produire un convertisseur numérique/analogique4 bits comme on en trouve dans les haut-parleurs ou encore des tags RFID que l’on utilise pour le traçage des marchandises.
L’équipe de Joseph Chang précise que, contrairement aux autres techniques employées en électronique imprimée, le procédé développé à la NTU est basé à 100 % sur un procédé de fabrication dit par couches additives. « Nous sommes probablement les seuls à être capables d’imprimer des circuits complexes avec une mobilité électronique atteignant le 1,5 cm2/V.s, une mobilité trois fois supérieure à celle enregistrée par les autres procédés additifs », explique le professeur avant de préciser que les circuits ainsi produits sont également stables dans l’air. Ils peuvent fonctionner plusieurs années sans ajout d’une couche de protection, ce qui n’est pas forcément le cas de l’électronique imprimée en général.
La technologie doit maintenant être transférée en milieu industriel. « Lorsqu'elle sera réellement mature, elle pourrait être commercialisée à grande échelle et accessible à monsieur tout le monde », se prend à rêver Joseph Chang. En attendant, un capital-risqueur a d’ores et déjà exprimé son intérêt en finançant la commercialisation de l’innovation et une start-up a été créée. Les débouchés pourraient se situer, en priorité, dans le secteur biomédical. L’un des brevets déposés autour de l'invention concerne d’ailleurs un dispositif connecté destiné à surveiller la façon dont un patient suit les prescriptions médicales.