dimanche 30 novembre 2014

Le Système solaire évoluerait dans un disque dense de matière noire


Des chercheurs de l’Observatoire astronomique de Strasbourg ont mesuré dans le cadre de la collaboration internationale Rave (RAdial Velocity Experiment) les vitesses d’un groupe d’étoiles de la Voie lactée. Les observations accréditent l’idée qu’un disque de matière noire existe au sein même du disque d'étoiles de la Galaxie et même qu'il est plus dense que le halo supposé exister autour de la Galaxie. Les chances de détecter les particules de matière noire sur Terre seraient donc accrues.

Les observations des courbes de révolution des étoiles autour du centre de leurs galaxies montrent qu’elles tournent trop vite si l’on se base sur la loi de la gravitation de Newton ou sur la masse déduite de la luminosité des galaxies. Le plus probable est qu’il y ait de la matière cachée non lumineuse, appelée matière noire. © Gianfranco BertoneLes observations des courbes de révolution des étoiles autour du centre de leurs galaxies montrent qu’elles tournent trop vite si l’on se base sur la loi de la gravitation de Newton ou sur la masse déduite de la luminosité des galaxies. Le plus probable est qu’il y ait de la matière cachée non lumineuse, appelée matière noire. © Gianfranco Bertone
Début octobre 2012, un groupe d’astronomes de l’Eso annonçait avoir utilisé le mouvement de certaines étoiles dans notre Galaxie pour estimer la quantité de matière noire dans la banlieue stellaire du Soleil. Le résultat négatif que les chercheurs pensaient avoir obtenu faisait alors sensation, car il impliquait peut-être qu’il fallait renoncer à l’existence de cette matière dont la composition ne s’explique pas dans le cadre du modèle standard de la physique des particules.
Cependant, il est apparu rapidement que l’analyse des astronomes était fausse et que les observations utilisées constituaient au contraire un argument de plus en faveur de l’existence de la matière noire selon deux astrophysiciens de l’université de Princeton, Jo Bovy et Scott Tremaine (l’un des grands maîtres de la théorie des galaxies). Selon les deux chercheurs, on pouvait même les voir comme « la mesure directe la plus robuste à ce jour de la densité locale de matière noire ». Toutefois, comme nous l’avait expliqué Benoît Famaey, ces observations pouvaient tout aussi bien être utilisées pour accréditer une alternative au modèle de la matière noire froide de la cosmologie standard, à savoir la théorie MOND qui, elle, suppose des modifications des lois de Newtonconcernant la gravitation.
Carte du ciel montrant les 500.000 étoiles observées par la collaboration Rave. Les couleurs indiquent les vitesses radiales des étoiles. © Axel Mellinger, Cnrs
Carte du ciel montrant les 500.000 étoiles observées par la collaboration Rave. Les couleurs indiquent les vitesses radiales des étoiles. © Axel Mellinger, Cnrs
Un article récemment déposé sur arxiv par les membres d’une coopération internationale composée de chercheurs européens, australiens, américains et canadiens ayant mesuré les vitesses radiales d’une dizaine de milliers d’étoiles contenues dans une sphère d’environ 6.000 années-lumière de diamètre, vient de conforter ces conclusions. Les astronomes, parmi lesquels se trouvent des chercheurs de l’Observatoire astronomique de Strasbourg (CNRS, Université de Strasbourg), ont mesuré patiemment pendant plus de 10 ans les vitesses radiales et les compositions chimiques de près de 500.000 étoiles de la Voie lactée dans le cadre de Rave (RAdial Velocity Experiment).
Ce programme d’observation est complémentaire de celui de la mission Gaia laquelle mesure les vitesses apparentes d’un grand nombre d’étoiles dans la Voie lactée ainsi que leur position sur la sphère céleste au moyen de la méthode de la parallaxe. Si l’on considère la voûte céleste, les vitesses apparentes des étoiles correspondent à la partie tangentielle des vitesses réelles de ces étoiles sur la voûte alors que les vitesses radiales sont les parties des vitesses des étoiles qui lui sont perpendiculaires.

Un disque de matière noire issue de l’accrétion de galaxies naines

En utilisant donc les vitesses radiales des géantes rouges bien connues dite du "red clump", les chercheurs ont pu remonter à la distribution de matière locale source du champ de gravitation causant les mouvements de ces astres. Ils ont confirmé que ces mouvements pouvaient correspondre à la présence d’une certaine quantité de matière non baryonique plus massive que la matière normale sous forme d’étoiles et de nuages de gaz. De plus, l'équipe a aussi montré que sa densité était supérieure à celle que l’on postule dans le halo de matière noire entourant la Voie lactée pour rendre compte de la courbe des vitesses de rotation des étoiles autour du centre de la Galaxie.
Cette découverte n’a pas surpris les théoriciens. En effet, dans le cadre des modèles de croissance des grandes galaxies qui font intervenir des captures de galaxies naines, les mini-halos entourant ces galaxies alimentent par ce processus d’accrétion un disque de matière noire plus dense que le halo propre à la Voie lactée. Toutefois, là encore, il n’est toujours pas possible de départager MOND et le modèle de la matière noire froide, car la théorie proposée au début des années 1980 par le physicien israélien Mordehai Milgrom prédit un champ de gravité associé à la matière normale quimime celui d’un halo de matière noire avec un disque de plus grande densité.
Si les particules de matière noire existent bel et bien et sont responsables en majorité desanomalies observées non seulement au niveau des galaxies, mais aussi celui des amas de galaxies, alors ces observations sont encourageantes pour les chasseurs qui utilisent des détecteurs enterrés comme Lux. La densité de matière noire autour du Système solaire serait en effet deux fois plus élevée que celle que l’on avait déduite jusqu’à présent dans le halo.

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